voix off
Voix off de Jean-Paul Gavard-Perret
« Archéologue la vaudoise Mélane Zumbrunnen semble surtout influencée dans son travail de plasticienne par la littérature : Pérec dans sa quête du réel; Irving pour sa vision noire du monde. Cet amour du littéraire tient à la nécessité narrative que l’artiste produit dans ses photographies d’où paradoxalement surgit non des mots mais du silence. Les châteaux en Espagne sont bâtis en noir et blanc ou couleurs puis scénographiés dans des lieux austères qu’ils sculptent le temps d’une prise à la beauté particulière par une image travaillée comme une peinture.
Le réel est à la fois recomposé mais tout autant saisi comme par inadvertance ex-abrupto et de manière poétique. Tout devient sujet de fascination comme pour Alain Cavalier qui dit la créatrice « dans Lettre d’un cinéaste, filme sa table, une épluchure d’orange, un couteau dans l’évier. La même impression ressort des images de l’artiste : ça n’a l’air de rien et c’est génial ». Chez Mélane Zumbrunnen aussi tout est saisit l’immédiateté de sensations optiques et relevé au rang de nature morte. La plasticienne métamorphose le concept de trace. Il échappe soudain à l’étouffement compassé et compassionnel. Il fait histoire dans la force magique de constructions imageantes qui permettent d’échapper à une fatalité que tout regard rétrospectif induit. La photographie échappe à une forme d’arbitraire ou d’abstraction. Les objets montrés possèdent soudain un « cri » au sein d’égarements à la fois graves et subtiles. Se détournant de tout effet de banale autofiction l’œuvre devient une aventure originale voire originaire du langage visuel. »
Août 2014