Geneviève Capitanio – Fuori campo / 2019

Vernissage lundi 21 janvier 2019

Exposition du 25 janvier au 17 février 2019


Sur le mur de l’atelier, une série de travaux réalisés « sous contrainte ». Un peu plus tard, chez moi, j’attrape et je retiens trois mots d’une émission de radio: « Le risque d’un enfermement ». Voilà le motif qui fixe une rigueur sur la rigueur, et qualifie un peu de ce que j’ai vu : éviter le risque d’un enfermement de l’expression, et s’offrir un champ de bataille.

Travailler sous contraintes : format imposé A3 vertical, pas de figuration, pas de peinture, une explosion à chaque fois. Et, aller vite. Lâcher – relâcher. Trente-deux morceaux d’un travail sur le mur de l’atelier : Trente-deux temps courts d’une expérimentation. Créer hors des gestes, hors du rythme d’agir et de pensée, hors des « habitudes », de la peintre. Être-affect. Prendre ce risque. Celui d’un débordement. Le résultat est un déport. Une machine joyeuse un peu punk. Trente- deux fois un souffle court exalté. Posé-déposé-donné-craché-offert-tiens le voilà mon plaisir d’être là de créer de voir le travail qui se fait juste là sous mes yeux. Lâcher-relâcher. Une activité secrète, une activité sécrète, du fond de l’atelier, du fond d’une pratique, qui remet en jeu la pratique du geste, du regard, de l’artiste même. Une contrainte qui cache son contraire. La douce euphorie du champ libre, une échappée belle, un territoire inconnu (qui n’est pas encore une ile, qui s’offre le frisson d’être peut-être un naufrage).

Dans l’atelier, la série sous les yeux, je note : « un grésillement, le bruit sourd et électrique, tendu, d’un retour sur une scène de concert rock vide, attendant le début, l’exaltation des musiciens, le public chauffé qui secoue pousse dans l’ombre. Ou l’attente silencieuse, presque religieuse, d’une déferlante sonique… » Voilà ce qui me traverse parcourant ces instants-A3, balises, sauvageries foutraques, expérimentations-bruissements, cris, et surtout, pour le spectateur, la saveur du presque-là, l’envie d’être juste un peu plus loin que le donné, cuirassifique ou blindieu, le bonheur d’être un peu de ce qui est offert… ». Geneviève Capitanio livre ici un peu de son « hors-champ », un travail prémonitoire, précaire, qui est aussi un arrachement de soi. Cette suite est aussi une tentative de détourner le temps long de la peinture, de s’offrir l’instant d’un affect, le déposer une fois, vingt fois, cent fois, et voir si l’artiste tient debout, toujours, si l’artiste supporte la zone de turbulences quelle s’est imposée. « … des trucs ou je suis presque sur le point de me faire foutre dehors de mon boulot ». Ses propres mots… Des friches d’agir, voilà ce que je désignais comme prémonition un peu plus haut. Un terrain vague, qu’elle intitule champ de bataille, une zone de guerilla intime livrée pour vous…

D’après « sur le champ », suite de Geneviève Capitanio, décembre 2018, Christian Jelk

Depuis de nombreuses années Geneviève Capitanio est présente sur la scène romande avec de nombreuses expositions et également des oeuvres dans le Fond d’arts plastique de Lausanne ou la collection du Crédit Suisse.

http://genevievecapitanio.ch